Wolfgang Tillmans au Centre Pompidou : une carte blanche comme un livre ouvert
Alors que le Centre Pompidou s’apprête à fermer ses portes pour cinq années de travaux, l’institution confie à Wolfgang Tillmans une mission aussi symbolique qu’ambitieuse : occuper les 6 000 m² de la Bibliothèque publique d’information. Du 13 juin au 22 septembre 2025, l’artiste allemand propose une exposition monumentale, pensée comme une transformation du lieu, à la fois respectueuse de son histoire et tournée vers l’avenir.
Intitulée « Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait », l’exposition se présente comme un vaste livre d’artiste déployé dans l’espace. Tillmans y articule plus de trente-cinq ans de création, en confrontant images anciennes et récentes, photographies intimes et documents politiques. Portraits, paysages, natures mortes ou abstractions dialoguent dans une scénographie singulière qui intègre l’architecture et le mobilier de la BPI. Tables, cabines et présentoirs sont réutilisés et détournés, comme si l’exposition s’était toujours trouvée là.
Depuis ses débuts dans la contre-culture des années 1990, Tillmans n’a cessé de repousser les limites de la photographie. Son œuvre questionne la place de l’image dans un monde saturé de représentations et révèle autant la fragilité du visible que la complexité de notre époque. Certaines de ses photographies, comme celles prises en 2005 de l’armée russe à Moscou ou de la frontière américano-mexicaine, semblent anticiper les tensions contemporaines. Tillmans revendique cette approche : observer le présent tout en pressentant ce qu’il annonce.
L’artiste a déjà marqué la scène internationale : il fut le premier photographe et artiste non-britannique à recevoir le Turner Prize (2000), avant de se voir décerner le Hasselblad Award (2015) et le Kaiserring (2018). Ses expositions à la Tate Modern (2017) et au MoMA (2022), ainsi que l’itinérante Fragile en Afrique (2018-2022), ont confirmé son rôle majeur dans l’art contemporain. Mais Paris n’avait pas accueilli une monographie d’une telle ampleur depuis son installation au Palais de Tokyo en 2002.
Au-delà de l’événement artistique, cette exposition a valeur de laboratoire : elle expérimente de nouvelles façons de montrer l’art, de le faire dialoguer avec un espace et son histoire. Une démarche précieuse pour les étudiants de l’EFET PHOTO, que l’école encourage à cultiver leur curiosité et leur culture visuelle. Car développer son regard, c’est aussi apprendre à questionner le monde et à inventer, comme Tillmans, de nouvelles manières de penser et de partager l’image.
